Récit de l’émeute de samedi à Bobigny, pour Théo, contre la police

ACAB

Le rassemblement du samedi 11 février s’est transformé en explosion de colère. Récit à la première personne d’un révolté parmi d’autres.

Ce samedi 11 février, un rassemblement "Justice pour Adama, justice pour Théo, justice pour toutes les victimes de la police" était appelé à 16h devant le palais de justice de Bobigny.

 

Sinistre lieu, que ce tribunal, où des condamnations tombent chaque semaine, créant des rancoeurs et de la tristesse chez beaucoup d’habitant-e-s de Seine-Saint-Denis... Parce que la "justice", on sait comment elle fonctionne, à protéger les riches, on dit parfois que c’est une justice à deux vitesses mais en réalité elle en a bien plus que ça, avec ses réflexes de classe dominante et son racisme institutionnalisé elle porte bien mal son nom.

 

Bref, je me doutais que le tribunal serait sous haute protection policière, vu qu’on serait beaucoup à s’y rassembler sans vraiment porter ce lieu dans notre coeur...

 

Arrivé-e-s en retard avec quelques potes, on est agréablement surpris-es en voyant des milliers de personnes (à vue de nez, quelque chose comme 4 000 ?) rassemblées dans le parc situé en contrebas du tribunal. Les flics dominent la scène de haut depuis la passerelle qui mène au tribunal. Il y en a aussi un paquet tout autour, ça pue la flicaille à plein nez. Mais on est aussi super nombreux-nombreuses, et il y a de tout ici, ça fait plaisir à voir, on voit bien que même s’il y a surtout des jeunes des quartiers du 93, il y a aussi des gens d’ailleurs et de toutes générations.

 

Quelques prises de parole ont lieu, mais vous m’excuserez je ne peux pas en dire grand-chose, j’ai pas trop écouté... Quelques personnes diffent des tracts, notamment pour la marche pour la justice et la dignité du 19 mars prochain, ou le tract "Solidarité avec Théo" écrit par des anarchistes du 93. Il y a aussi quelques communistes paumé-e-s du journal stal Le Bolchevik ou du Parti ouvrier indépendant démocratique. Des drapeaux de la Ligue des Droits de l’Homme, aussi, ainsi que quelques drapeaux anarchistes (noir et rose, noir et rouge).

 

Divers slogans sont entonnés par la foule ("Flics, violeurs, assassins", "Justice pour Théo", "Tout le monde déteste la police", "Zyed, Bouna, Théo et Adama, on n’oublie pas, on ne pardonne pas"), et vers 16h50 des premières pierres sont lancées sur les flics. Puis un feu d’artifice, et une grande partie de la foule se dirige vers les bâtiments du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis, puis vers la passerelle où les flics anti-émeute empêchent l’accès au tribunal. Le caillassage se fait plus intense, les flics ripostent à la lacrymo, puis des tags apparaissent sur les murs ("Vengeance", "Flics, violeurs, assassins", "Solidarité avec Théo", "Flics, hors de nos vies. Révolution", avec des symboles anarchistes, des codes postaux du 93, etc.). Les vitres des deux bâtiments du Conseil départemental de Seine-Saint-Denis sont brisées, ainsi que leurs portes d’entrée. Les plus déters s’engouffrent sur la passerelle et tentent une charge vers les flics anti-émeute. En vain, les flics repoussent les émeutier-e-s à coups de lacrymo et de flashball (LBD40).

 

Noyé-e-s sous les lacrymos, l’ensemble des émeutier-e-s redescendent dans le parc. Les flics sont attaqués depuis d’autres endroits, et dans un coin du parc, une camionnette de journalistes de RTL est attaquée. Ses fenêtres sont d’abord brisées, puis son capot tagué, avant que le véhicule soit tout simplement incendié, sous les acclamations de la foule.

 

Franchement, vu les déclarations de Théo et de ses soeurs, notamment à propos de ce rassemblement en particulier (deux soeurs de Théo disaient soutenir l’initiative du rassemblement mais souhaiter que ça se passe dans le calme), je ne savais pas trop comment l’ambiance allait être. Mais on peut difficilement empêcher la colère et le dégoût de s’exprimer. Et tous ces moments d’émeute se sont déroulés dans une ambiance géniale, avec beaucoup de bienveillance de part et d’autre : il y avait une solidarité réelle entre les personnes à fond dans l’émeute et celles venues en mode plus calme.

 

Le temps passant, l’ambiance émeutière est un peu retombée, alors certain-e-s ont commencé à sortir du parc pour voir ce qui se passait aux alentours. Et ça grouillait de flics anti-émeute. Des caillassages ont commencé à avoir lieu sur les flics postés de part et d’autre du parc. Les nombreux jets de grenades lacrymogènes ont fini par éparpiller le rassemblement en plusieurs parties, créant différents points de fixation et d’affrontement. De fait, ça a pété un peu partout autour du tribunal.

 

Aux alentours de 19h je crois, avec quelques potes on était du côté où des immeubles de bureaux ont été attaqués : des banques et assurances, notamment, avec portes vitrées pétées et ouvertes, casse de matos à l’intérieur, sous les acclamations de la foule là aussi. Des pubs et abribus sont pétés, des grandes poubelles incendiées et mises sur la route en guise de barricades. Un véhicule commercial est vite fait autoréduit de certains packs d’eau, de Coca et d’Orangina. Le partage est immédiat, dans la bonne humeur, là aussi.

 

Le temps passe et les flics anti-émeute se mettent en place à différents coins de rue. À chaque défilé de véhicules de police, ceux-ci sont copieusement caillassés, tandis qu’aucune voiture de particuliers n’est attaquée. Partout où j’étais, la casse était globalement très "ciblée", par tout le monde, quelles que soient les étiquettes qu’on pourrait mettre sur les différent-e-s émeutier-e-s en présence.

On essaye d’attaquer une ligne de flics pour nous déplacer mais ceux-ci ripostent à coups de flashball et de lacrymo. Puis, l’arrivée de dizaines de fourgons de flics termine de disperser ce grand groupe de manifestant-e-s. Ça part alors dans plusieurs directions.

 

Du côté où je suis parti, une station essence BP a été attaquée, du matos de la station servant à ériger des barricades sur la route. Juste à côté, un magasin Speedy a été défoncé et en partie pillé. Plus loin, chaque véhicule de flics qui passait était attaqué à coups de pavasses. Puis sur les coups de 19h45, la dispersion était effective de ce côté-là. Ça a aussi été une petite aventure de rentrer en contournant les flics (qui étaient partout dans la ville), sachant que le terminus du métro et plusieurs arrêts de bus/tram étaient fermés, mais ça va on s’en est sorti-e-s.

 

Ailleurs, sur d’autres points autour du tribunal de Bobigny, ça a été la fête aussi, avec un centre commercial envahi, un Mc Do dévasté (sa caisse a été volée !), un Décathlon dépouillé, un Franprix pillé, une camionnette d’Europe 1 aux vitres pétées, des voitures renversées et/ou incendiées, des flics sous les caillasses, bref, même quand les flics sont en grand nombre, si on est nombreux-nombreuses et déters, on peut imposer un rapport de force conséquent.

 

Cette société est une injustice permanente. Notre révolte aussi est permanente. C’est logique qu’on l’exprime. Ce qui est étonnant, c’est qu’on ne soit pas plus nombreux-nombreuses à s’insurger. L’État, ses politiciens, ses flics, ses juges, les médias et les bourgeois-es en général se foutent de nos gueules en nous faisant croire qu’on peut protester calmement en dressant des listes de revendications. Mais on sait bien qu’ils veulent juste conserver leur pouvoir tranquillement, rien ne changera si on reste calmes. Et si tout niquer ne suffira pas à changer le monde, c’est déjà bon de constater que la colère est partagée dans différentes couches de la société, qu’on peut lutter ensemble, sans leader, sans chef, sans parti pour récupérer notre révolte.

 

Pour Théo, Adama, Zyed, Bouna, Lamine et tou-te-s les autres : rage et solidarité.


Un anarchiste du 93

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Eine erste Stellungnahme zu den Auschreitungen vor dem Justizpalast in Bobigny, die sogar in den deutschen mainstream Medien berichtet werden.

Das Besondere an dem gestrigen Tag waren sowohl die überraschend grosse Zahl an Teilnehmer*innen (um die 4.000), als auch die bunte Mischung. Ältere Bewohner*innen des Stadtteils, jede Menge "Kids" aus der Banlieue, Antifas und Leute aus dem antagonistischen Spektrum. Die Leute waren unglaublich wütend, aber schlecht organisiert und viele hatten keine Erfahrungen mit  solchen Geschichten, der Beschuss mit Tränengas löste schnell Panik auf. Trotzdem war es eine ziemlich einmalige Geschichte, sodass der Satz "when the kids are united" Realität wurde.

 

Am 19. März gibt es eine landesweite Demo in Paris gegen Bullengewalt und institutionellen Rassismus

 

Bilder vom gestrigen Nachmittag und Abend:

 

https://www.youtube.com/watch?v=3A1ic9OdR6Q

 

https://www.youtube.com/watch?v=uJ-iR1-0-oY

 

https://www.youtube.com/watch?v=C4LaEe54Tb8

 

https://www.youtube.com/watch?v=Xl4Iz_IMvc0

der satz "when the kids are united" is von dir.

 

if the kids are united the know.

 

(aber die übersetzungen aus´m frz. sind immer klasse. danke)