Plainte pour injure et diffamation contre indymedia grenoble

Indymedia Grenoble

Il y a plus d’un an, Indymedia Grenoble apprend qu’une plainte pour « injure et diffamation », concernant des articles publiés sur le site, a été déposée à l’automne 2008. Une plainte pour délit de presse donc. Et cette plainte, le Parquet a décidé de l’instruire en mettant d’impressionnants moyens de police pour enquêter sur l’identité des animateur-ice-s du site. Objectif : trouver le « directeur de publication » du site pour qu’il endosse la responsabilité du contenu publié sur Indymedia Grenoble et qu’il puisse ainsi en répondre devant la justice. Un gendarme spécialisé dans « la recherche à personne » a tenté de contacter le collectif à ce sujet. Il a reçu une réponse polie lui indiquant que, malheureusement pour son enquête, il n’y avait pas de directeur de publication à Indymedia. Ce que ce gendarme aurait dû savoir s’il avait pris le temps de lire la charte du collectif.


Il n’est d’ailleurs pas inutile de rappeler qu’Indymedia est un média alternatif qui fonctionne sur le principe de la publication ouverte. Il permet ainsi à toutes et tous d’être acteur-rices de l’information : il n’y a, à Indymedia Grenoble, ni journaliste ni directeur de publication. Tout le monde peut publier, tout le monde peut réagir à un article et contacter le collectif, notamment pour prétexter du caractère diffamatoire d’un article. Dans le cas présent, personne ne s’est manifesté. Ni l’auteur (ou les auteurs) de la plainte, ni le gendarme n’ont voulu nous dire de quels articles il s’agissait. Les échanges de mails se sont arrêtés là...et les emmerdements ont commencé.


En décembre 2009, l’association Antigone (café-bibliothèque-librairie) a été le théâtre d’une spectaculaire opération de gendarmerie liée à cette affaire de diffamation. Des perquisitions ont eu lieu au local d’Antigone ainsi qu’au domicile des personnes membres du bureau de l’association. Un coup pour rien ! Les gendarmes sont repartis bredouilles. Ou presque. Ils ont quand même appris une chose. Les membres d’Antigone utilisent, comme tant d’autres personnes, le site Indymedia Grenoble. Mais Antigone n’est pas la première victime collatérale de cet acharnement contre Indymedia. Depuis le début de l’enquête, plusieurs personnes et plusieurs structures ont été ennuyées. Une personne ayant été par le passé impliquée dans le projet Indymedia Grenoble a été auditionnée. Des pressions ont été exercées sur un lieu que le collectif a fréquenté et qui a lui aussi été perquisitionné. Enfin, une coupure suspecte du serveur d’Indymedia a révélé que la machine qui héberge le site avait été visitée.

Mais qui veut la peau d’Indymedia Grenoble ?


Des journalistes...

La plainte à l’origine de cette enquête émanerait de deux journalistes du canard local en situation de monopole dans la région, et connu de tous sous le doux nom de « Daubé ». Denis Masliah et Vanessa Laime n’auraient pas apprécié que l’on fasse mention de leurs noms et de leurs glorieux états de service dans deux articles publiés sur le site et datés de mai 2008: « Nous, on veut vivre » & « Baccalauréat 2008. Épreuve de Français. Analyse d’article. »

Que ces journalistes qui servent au quotidien la soupe aux puissants et suppléent aux tâches de communication de la police jalousent l’indépendance d’un média comme Indymedia, on le comprend bien. Qu’illes soient allergiques à la critique, on peut l’entendre. Mais qu’illes aillent jusqu’à porter plainte contre l’auteur d’un texte bien senti et contre un media non aligné relève d’un degré de mesquinerie rarement égalé.

...mais pas que !

 

Autant de personnes auditionnées, autant de lieux perquisitionnés, autant d’énergie déployée, autant de personnel mobilisé, autant de temps et d’argent public dépensés... pour quoi ? Pour laver l’honneur de deux journalistes et apaiser leur susceptibilité ?! Ce n’est pas sérieux ! On a en effet de bonnes raisons de craindre qu’il ne s’agisse là que d’un prétexte. Un prétexte pour faire taire la critique ! Un prétexte pour nuire à l’un des espaces où s’exprime la contestation, à l’échelle locale (notamment contre la technopole et l’urbanisme mégalo de la municipalité : stade des Alpes, Minatec, rocade nord, Giant, etc.).

Dans un contexte de répression et de criminalisation croissantes de certaines pratiques et opinions politiques, il n’est pas étonnant qu’on veuille s’en prendre à un média de lutte et à un espace de parole indépendant des pouvoirs. La liberté d’expression et de critique dont tant se gaussent n’est tolérée que quand elle ne conteste pas trop les pouvoirs en place et ne remet pas en question l’ordre établi. Dans les faits, cette liberté est réduite à peau de chagrin. Ce n’est pas la première fois, en France, qu’un site Indymedia connaît des ennuis judiciaires.

Plusieurs procès pour diffamation ont été intentées à la personne considérée par la justice comme "responsable" du site Indymedia Paris. Plusieurs condamnations ont été prononcées à son encontre. `
 
En 2005, à Lille, une plainte pour diffamation contre Indymedia Lille est déposée par le ministre de l’intérieur lui-même pour défendre l’honneur de sa police impliquée dans les rafles de sans-papiers. Le procès contre un ancien membre du collectif aboutit heureusement à une relaxe.

En juin prochain, à Paris se tiendra un procès intenté par Bouygues aux administrateurs techniques de sites internet, dont Indymedia Paris, pour "provocation à la commission d’actes de destruction".

Au delà de ces affaires, la répression se déploie et frappe tous azimuts. Lorsque des témoins d’une bavure policière sont poursuivis pour diffamation par le ministre de l’intérieur, pour avoir osé dire ce qu’ils ont vu à des journalistes, comme c’est arrivé cet été à Bagnolet ; lorsque que même des journalistes de médias mainstream sont mis en examen ou traités comme des criminels, comme c’est arrivé à de Filipis, ex directeur de publication de Libération... plus rien ne devrait nous étonner.

D’autre part, nous savons que nos gouvernements et les majors du divertissement ne supportent plus la liberté et l’horizontalité qui existent encore sur Internet. C’est la raison pour laquelle on voit se multiplier les lois qui en restreignent l’usage et encadre sa surveillance (loi LCEN, loi DADVSI, LOPPSI 2, HADOPI, et tant d’autres).

Autant d’ardeur à la tâche ne suffira pas à bâillonner nos voix discordantes et nos pratiques subversives.

Grenoble, le 7 avril 2010