Les plats préparés «Carrefour Veggie»: ni un progrès pour les animaux, ni un progrès pour la santé

Carrefour Veggie

Le monopole de la grande distribution Carrefour a lancé récemment une gamme de produits « veggies », tentant ainsi de s'insérer dans la tendance à l'alimentation végétale qui a le vent en poupe dans de nombreux pays capitalistes.

 

Préoccupations morales et inquiétudes au sujet de la santé sont les principaux leviers de cette tendance, qui accompagne l'extension et la généralisation de l'industrie intégrant les animaux (voire notre article Crise du capitalisme et intensification de la productivité : le rôle des animaux dans la chute tendancielle du taux de profit).

 

Nous vivons dans une société capitaliste, donc marquée par la surproduction de marchandises. Plus il y a de marchandises ayant des composants d'origine animale, plus il y a aussi des marchandises sans ceux-ci. Le Figaro notait il y a quelques jours :

 

« Les «viandes sans viande» - ou substituts de viande - à base de soja, de froment et d'autres protéines connaissent un essor fulgurant à l'échelle mondiale, surtout en Amérique du nord et en Europe. Ce marché devrait grimper de 6,4% en valeur en rythme annuel entre 2015 et 2020, pour atteindre 5,17 milliards de dollars (4,68 milliards d'euros), selon une étude de l'institut Market and Markets. »

 

La gamme de produits « Carrefour Veggie », qu'on doit comprendre avec cet arrière-plan industriel, consiste en seize produits dont treize sont végétaliens et trois végétariens. Il s'agit de galettes, de « steaks » ou encore de boulettes, la plupart à base de soja.

 

Il s'agit pour Carrefour de concurrencer la marque Sojasun, comme ce qui s'est passé, il y a quelques années, avec les « yaourts » au soja que les trusts de la grande distributions se sont mis à fabriquer sous leurs propres marques. Carrefour lance ce type de produits, parce que ce monopole de la grande distribution estime qu'il y a un marché d'une importance suffisante, et plus seulement une « niche » qu'elle pouvait laisser jusqu'à présent à des marques spécialisées.

 

C'est une logique industrielle portée par une possibilité commerciale (et inversement, puisque c'est en dernière analyse le mode de production qui détermine ou oriente la consommation).

 

Si on analyse cela de manière matérialiste, on doit donc considérer qu'il s'agit d'une décadence, et non d'une réorientation de l'industrie vers une approche « morale » de la production.

 

Est-ce que ce sont là des produits de qualité, reflétant une avancée culturelle et sociale sur le plan de l'alimentation en France ? Non ce n'est pas le cas. Ces produits de la gamme « Carrefour Veggie » sont véritablement des produits de mauvaise qualité, reflétant une alimentation façonnée selon les besoins des monopoles et non selon les besoins des masses en terme de bien-être et de santé à long terme.

 

Il est tout à fait significatif que le soja soit largement présent dans la plupart des produits de la gamme.

 

Le soja est utilisé de manière massive dans l'exploitation animale pour son rendement. Il offre un apport calorique et protéique très élevé par rapport à son coût assez faible. C'est donc aussi une aubaine pour les industriels de produire et distribuer en masse des produits à base de soja pour l'alimentation humaine.

 

On connaît le mot fordisme, venant de Henry Ford, le producteur d'automobiles : ces dernières devaient idéalement être produites au moyen de plastique formé à partir de farines de soja. Le grand rendement naturel du soja en a fait un outil historique de la course au profit des capitalistes. Lorsque Carrefour utilise le soja, ce n'est pas tant la viande qui est « refusée », que le soja qui est valorisé. Cela bien sûr sans sans considération pour les risques potentiels d'une surconsommation de celui-ci.

 

Les risques connus ou soupçonnés sont sur le plan hormonal (dus aux isoflavones se liant aux récepteurs des œstrogènes), pour l'assimilation du fer et du zinc (du à l'acide phytique) ou encore dans le cas du lait de soja, la promotion de facteurs de croissance comme avec le lait de vache (du fait certainement du profil des protéines).

 

On retrouve la même problématique avec l'utilisation du soja comme substitut de viande (dans le cas de « Carrefour Veggie » par exemple) ou de lait (dans les pâtisseries végétaliennes par exemple).

 

Ce besoin de substituer la viande ou le lait est souvent le produit de peurs irrationnelles quand aux protéines, alors qu'il n'est aucunement nécessaire de chercher à « remplacer » la viande avec une alimentation d'origine végétale, celle-ci existant de manière autonome et n'étant nullement une approche de « substitution ».

 

Ce que produisent les industriels – de manière végétale ou non végétale – relève de l'approche capitaliste ; il n'y a donc pas un rapport nouveau à l'alimentation – rapport nouveau qui par ailleurs pourrait s'appuyer sur des traditions culinaires populaires authentiques, donc bénéfiques – mais au contraire une alimentation similaire en tous points ou presque à celle des autres produits des rayons « plats préparés ».

 

Cette question de la nourriture transformée et des plats préparés est quelque chose d'incontournable pour une critique matérialiste dialectique du mode de production capitaliste à notre époque.

 

Depuis les années 1950, la présence de ces produits a explosé, avec un bond très important dans les années 1980 puis dans les années 2000. Le plus flagrant est souvent le nombre affolants de références dans les rayons yaourts et la bataille marketing très agressive allant avec.

 

Ces produits transformés sont un moyen pour les monopoles d'accaparer de nouveaux secteurs afin de réaliser de la plus-value (à la place de la cuisine individuelle ou familiale, qui est du travail « gratuit » et non-socialisé, ou alors à très petite échelle).

 

Le problème est que les intérêts des masses ne sont compatibles avec ceux des monopoles. L'aspect le plus connus et le plus évident en ce qui concerne l'alimentation est la présence de sucre raffiné et de matières grasses saturées dans des proportions largement nuisibles.

 

Cela se ressent forcément sur le plan de la santé publique. Ces produits ne pouvant être à la hauteur d'un point de vue nutritif par rapport aux fruits et légumes frais ou aux légumineuses et graines ou noix consommées directement après préparation.

 

La transformation industrielle et la conservation implique presque nécessairement une baisse des propriétés nutritives des aliments. Par exemple les « 7 % de carottes » des steaks au soja « Carrefour Veggie » n'ont pas un grand intérêt nutritif.

 

Mais comme en général avec les monopoles, Carrefour vise seulement à garder les masses sous son emprise en contournant leur méfiance (morale et sanitaire) vis-à-vis des produits issus de l'exploitation animale. Il s'agit ici d'une bataille pour l'apparence d'un mode de vie différent à l'opposé de celle pour le contenu d'un mode de vie différent.

 

Il existe également, avec ces plats préparés, un problème sur le plan quantitatifs puisque ces produits transformés sont étudiés et emballés de manière à favoriser les consommations impulsives, irraisonnées par rapports aux réels besoins alimentaires.

 

Une vaste réflexion doit se développer à ce niveau. Une critique en profondeur des ces produits transformés est indispensable. Sinon le prix à payer est de voir des aberrations tel que ce blog intitulé « mary au naturel » mais faisant en fait totalement l'apologie des produits industriels « veggies » de l'enseigne Carrefour en parlant de « belle surprise » et disant qu'il faut la « saluer pour ses efforts ».

 

S'il est bien vu ou préssenti qu'il y a quand même un problème (« Si les produits ne sont pas irréprochables quant à leur apports nutritionnels »), il est finalement choisi la fuite en avant irrationnelle et populiste : « ils sont toutefois peu cher, ce qui permet à tous les budgets de pouvoir consommer des produits dont les prix sont parfois rédhibitoires ».

 

On est là dans la régression totale sur le plan social et culturel, la soumission volontaire aux monopoles. Pareillement, une grande partie de la communauté végétarienne ou végétalienne, voir même vegan, s'est surtout félicitée de cette nouvelle gamme chez Carrefour, y voyant là un début de reconnaissance de leur pratique et potentiellement une facilité pour devenir végétarien ou végétalien (on peut voir deux points de vue contradictoire ici et là).

 

Le succès de ce genre de plats préparés est un reflet terrible de la situation à notre époque, avec une jeunesse sombrant dans la paresse et le relativisme, voire même l'apathie. Quelque chose d'aussi fondamental et vital que l'alimentation est complètement abandonné aux mains des monopoles.

 

C'est bien sûr une vérité que les fruits et les légumes frais et de qualité coûtent cher, c'est de plus en plus vrai, et cela ira certainement en s'empirant.

 

Mais il est illusoire de penser pouvoir les remplacer par ce que les industriels proposent de « pas cher », végétarien ou non. De ce point de vue là, il y a une véritable bataille démocratique importante à mener pour l'accès culturel et financier des masses populaires aux fruits et légumes de qualité.

 

Cela doit aller de pair avec une bataille pour la planification et l'organisation à grande échelle de l'alimentation et de la production alimentaire. Il s'agit de répondre aux besoins naturels des masses en terme de nutrition et de permettre le développement de la société en harmonie avec la biosphère.

 

Et on peut tout à fait penser que cette harmonie avec la biosphère passe par l'admiration de la matière complexe, en mouvement, qu'est la vie animale, et non par son utilisation comme mécanisme d'appoint à la surproduction de marchandises.

 

 

http://lesmaterialistes.com/plats-prepares-carrefour-veggie-progres-pour-animaux-progres-pour-sante